We Are The World : Histoire d’une chanson de légende

“There comes a time, when we heed a certain call…”, qui n’a pas frissonné en écoutant les premières paroles de cet hymne universel ?


We Are The World est devenu avec le temps une de ses chansons qui lorsque qu’elle vous rentre dans la tête, vous reste marquée à vie, tel une empreinte préhistorique fixée dans la roche.
Son succès est bien évidemment du à son universalité, à sa mélodie, à cette fratrie qui se dégage des chants de toutes ces stars, mais également à son histoire : l’histoire de cette séance d’enregistrement si particulière orchestrée et organisée par Quincy Jones.

L’année 1985 est particulièrement dure pour les populations noires africaines, touchées de plein fouet par une famine qui ravage les populations et dissémine des milliers d’enfants sous le regard impuissant de leurs parents. Les images insoutenables qui parviennent aux populations occidentales provoquent l’effroi général. De l’aide est envoyée à ces millions de personnes en détresse, mais cela suffit tout juste à faire survivre quelques milliers de personnes qui ont pu accéder à cette nourriture, avant que celle-ci ne soit trop souvent détournée par les pouvoirs public locaux.

Touché par ces terribles images, Michael Jackson ne peut qu’accepter la proposition de Harry Belafonte et Ken Kragen , qui désirent créer un projet afin d’apporter un soutien financier et alimentaire à l’Afrique.


A cette époque, Michael était très ami avec Lionel Richie. C’est lors d’une de leurs discussions que Michael aborde le sujet et, avec Lionel, ils se mettent d’accord pour écrire cette chanson tous les deux. Michael s’adresse également à Quincy Jones pour produire la chanson. Mais très vite, le projet s’ébruite, et beaucoup d’artistes veulent se joindre à l’aventure :
“Au départ, nous étions trois ou quatre avec Michael, Lionel Richie et le producteur Ken Kragen”, déclara Quincy Jones, lors d’une interview en 1988. “Puis tout le monde à voulu y participer et c’est devenu un truc énorme. Ce rassemblement d’énergies, de personnalités différentes travaillant dans un même but, c’est ça le pouvoir magique de la musique. Et ça a donné conscience aux artistes qu’en se réunissant ils pouvaient avoir un formidable et positif impact. C’est quelque chose dont-il faudra se souvenir : pour aider les gens, l’art est parfois plus efficace que la politique”.

En effet, le projet devait au départ rester secret, mais le bruit courut très vite. L’idée vint alors de faire participer le maximum de stars à cette chanson, pour lui donner un impact encore plus saisissant.
Mais rassembler autant de star pose un problème de taille : comment toutes les réunir en un même lieu et au même moment ? Mission quasi impossible quand on connait les emplois du temps de chacune d’elles ! Mais une idée jaillit très vite dans les têtes de Michael, Lionel et surtout Ken Kragen. A quel moment les stars sont elles rassemblées en un même endroit ? Réponse : lors des soirées de remise de prix. Convaincre tous ces artistes n’a pas été très difficile compte tenu que le monde entier se mobilisait pour venir en aide à L’Ethiopie et au Soudan. Certes, Prince déclina l’invitation au dernier moment, mais c’est secondaire.

La phase d’écriture et de composition ne prit pas énormément de temps pour Michael et Lionel. Michael savait exactement quelle mélodie il allait composer. Son habitude était de trouver un bon endroit dans la maison familiale d’Encino pour fredonner un air à sa petite soeur Janet, sa première spectatrice et critique. A cette occasion, Michael se souvient :
“A ce moment là, j’avais l’habitude de demander à ma soeur Janet de me suivre dans une pièce qui avait une accoustique intéressante, comme la penderie ou la salle de bain, et je lui chantais juste une note, un rythme sur une note. Il n’y avait pas de praole, rien. je fredonnais seulement du fond de ma gorge. je lui disais “Qu’est ce que tu vois quand tu entends ce son ?” Et ce jour là, elle m’a dit :”Des enfants qui meurent en Afrique”. Tu as raison. C’est exactement ce que mon âme était en train de me dicter”.

Avant l’enregistrement de la chanson, il fallait rester le plus secret possible pour toute l’équipe. Ainsi, après avoir enregistré une première démo de la chanson baptisée “We Are The World” (en français “Nous sommes le monde”), 46 cassettes seront envoyées le 22 janvier 1985 à toutes les stars qui avaient accepté de se joindre au projet. 46 cassettes jointes avec un petit mot personnel de Quincy Jones disant :

“Les cassettes sont en nombre réduit. Et il est très important qu’elles ne traînent pas dans d’autres mains que les vôtres. S’il vous plaît, gardez ce projet secret, n’en faites pas de copie et rendez-vous le 28 janvier au soir.” Quincy Jones

Le 28 janvier 1985 au soir, le studio “Lion Share” de Los Angeles est fin prêt pour accueillir ses invités pour une nuit “historique”. Il est 21 heures lorsque Michael arrive au studio. Il est le premier à franchir les portes. Le reste des artistes arrivera au compte goutte au fur et à mesure qu’ils quittent la soirée des American Music Awards qui se tient le même soir.


Michael enregistre sa partie solo : c‘est dans la boîte.
Plus tard d’autres stars arrivent à leurs tours. Billy Joel, Ray Charles, Bruce Springsteen qui a garé sa voiture sur le parking d’à côté et qui arrive tout seul les mains dans les poches. Bette Midler le suit, Bob Dylan également ainsi que Lionel Richie qui arrive tout droit des American Music Awards ou il a reçu 6 récompenses.
Il est 22h30 quand Quincy Jones donne le départ des sessions d’enregistrement. Il fait faire quelques bouts d’essai à tout le monde histoire de se familiariser avec la chanson.
Vers 1h00 du matin, Stevie Wonder suggère une modification dans un couplet pendant que Al Jarreau, Cindy Lauper et Paul Simon font des essais.
2h15, Stevie Wonder et Ray Charles, décryptent leurs textes en braille.

Il est 3h00 quand les photos de la pochette de l’album sont prises. Personne ne cherche à tenir le premier rang car Quincy Jones les a prévenu : laissez votre vedettariat à la porte ! Dans ce studio, par cette chanson, vous êtes tous égaux. Un peu plus tard, c’est au tour des enregistrements des duos : Stevie Wonder et Lionel Richie se mettent en place, suivent Tina Turner et Billy Joel.

Mais la nuit commence à être longue et fatigante. Pour passer le temps et distraire un peu tous les invités, Stevie Wonder, au piano, se lance dans une imitation de Bob Dylan, pendant que ce dernier enregistre sa partie de la chanson. Michael en profite pour discuter un peu avec Willie Nelson lui avouant que sa mère, Katherine est une fan de sa musique : “Ma mère t’écoutes toute la journée” dit Michael. “Mes filles sont folles de toi !” rétorque Willie. Des petits moments comme celui-ci se déroulent pendant toute cette nuit. Ainsi, Lionel Richie ira timidement demander un autographe à Bruce Springsteen. C’est l’impression de communion pour une même cause, et une simplicité presque banale entre toutes ces stars, qui firent que cette nuit là fut magique, en dehors du temps, des frontières, des rivalités, des égos : tous étaient rassemblés pour une même cause : faire que ces images d’enfants squelettiques agonisants dans les bras de parents désœuvrés, ne se reproduisent jamais.


Tous partirons simplement au petit matin, avec l’impression d’avoir participé à quelque chose d’historique. Quand le soir du 29 janvier, Steve Perry téléphone à Lionel Richie qui vient à peine de se réveiller (il est 19h30 !), c’est pour simplement lui dire “Lionel, j’avais besoin de parler à quelqu’un. Il faut que je te dise qu’en me réveillant, j’ai écouté “We Are The World”, et comme un gamin : j’ai pleuré”.

Le succès de “We Are The World” sera planétaire ! A la sortie du single, en mars 1985, les stocks seront vendu en seulement deux jours : soit 800 000 exemplaires. L’album “We Are The World” rassemblant plusieurs titres de stars américaines, et un titre humanitaire canadien “Tears Are Not Enough”, connait également le même succès foudroyant. Les ventes ne cessent de grimper, propulsant le single “We Are The World”, meilleure vente de single de tous les temps.
Les ventes d’album et de single, rapportèrent pas moins de 65 millions de dollars, et permirent véritablement d’aider des milliers d’Africains.
Un an plus tard, en janvier 1986, la chanson “We Are The World” remporta 4 Grammy Awards : Chanson de l’année, Album de l’année, Meilleure performance pour un groupe, Meilleur Vidéo Clip.

La consécration est totale.

Le mot de la fin pour Quincy Jones, interrogé par le magazine “Best” en Juin 1986 :
“Les artistes savaient qu’ils étaient là pour raison humanitaire. Il n’y avait donc ni angoisse, ni problème d’égo. Ensuite, le nombre de participants, exigeait quelque chose de très structuré. Ils le savaient tous et il n’y a eu aucun problème […] Si cela avait raté, avec tous ces artistes fabuleux qui étaient là, on aurait vraiment pu dire que j’étais nul !”.

Article de Davy Appert – MJLegend – Chroniques – 2004


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