Décès de Walter Yetnikoff
Walter Yetnikoff, président/PDG de CBS Records de 1975 à 1990 est décédé dans la nuit de dimanche. Travailleur acharné, il aura marqué l’industrie musicale en ayant eu entre ses mains les carrières de superstars comme Michael Jackson, Bruce Springsteen, Billy Joel, Barbra Streisand, Paul McCartney et les Rolling Stones à une époque où l’industrie du disque enregistrait des profits stratosphériques.
Alors qu’il était à la tête de CBS Records, l’album “Thriller” de Michael Jackson a dépassé les 40 millions d’exemplaires vendus, tandis que “I Am” de Earth, Wind & Fire et “Born in the USA” de Springsteen s’écoulaient à plus de 20 millions d’unités chacun et “The Stranger” de Billy Joel en enregistrait 13 millions.
La relation que MJ entretenait avec W. Yetnikoff a contribué au succès du Roi de la Pop à une époque où les maisons de disques consentaient de réels investissements pour la réussite des artistes.
En 1983, Yetnikoff avait entrepris un bras de fer avec la chaîne musicale MTV pour qu’elle diffuse le vidéoclip de “Billie Jean”.
Mais toujours en 1983, le même Yetnikoff ne souhaitait pas financer de vidéoclip pour “Thriller” car l’album était toujours n°1 des ventes. In fine il finira par lâcher 100 000$ tandis le réalisateur George Folsey suggéra à son ami Landis de réaliser un documentaire sur le tournage qui , couplé avec le vidéoclip, correspondrait à un format pour la télévision (1h) et dont la vente à des chaines pourrait boucler le financement.
Toutefois Yetnikoff a aussi été derrière de gros investissements dans la réalisation de l’album “BAD” (commercialisé le 31 août 1987) et sa promotion.
Extrait d’une interview de janvier 1988 où Walter Yetnikoff parlait de ses ambitions et de celles de MJ :
W. Yetnikoff : “Les disques sont le préalable nécessaire pour réussir dans d’autres domaines (tournées, merchandising…). Si vous réussissez, comme il se doit, vous devez payer l’artiste, lui donner un chèque avec tout cet argent. (…) « Vous les payez trop cher », m’ont-ils dit. [Ma réponse ?] “Ils le gagnent [cet argent].” J’ai eu le plaisir de donner un gros, gros chèque à Michael Jackson. Premièrement; cela montre que nous réussissons. Deuxio; Peu importe ce que vous gagnez, nous gagnons plus encore.”
Il se dit que vous avez dû persuader Michael Jackson de terminer l’enregistrement de “BAD”. Comment parvenez-vous à ce genre de choses ?
W. Yetnikoff : “Écoute, ce n’est pas vrai. Il n’y avait pas un calendrier particulier pour “BAD”. En fait, [Michael] voulait le sortir plus tôt. Il voulait le sortir le jour anniversaire de la sortie de “Thriller”, le 11 décembre je crois. Je l’ai convaincu de ne pas le faire parce que nous manquerions les achats de Noël, alors il a attendu et l’a terminé quand il en était satisfait. Il est sorti environ six mois plus tard.”
Est-ce que vous continuez à lui parler tous les jours, comme quand “Thriller” est sorti ?
W. Yetnikoff : “Nous parlons encore beaucoup. Nous sommes amis. Je pense que j’ai été très bon avec Michael, et il a été très bon avec moi. Aux Grammys, il m’a demandé de monter sur scène ; du jamais vu. Vous n’amenez pas des dirigeants de maisons de disques aux Grammys, parce que personne ne s’intéresse à eux. (…) Parfois j’ai eu des problèmes personnels dont j’ai pu parler avec lui. Et je pense qu’il a fait de même. Nous ne sommes pas pareils… Il est assez vieux pour être mon fils, pas quelqu’un de mon âge, mais nous parlons de beaucoup de choses. Ce qu’il fait, il le fait avec intensité, et je n’essaie certainement pas de le faire changer d’avis”.
Lorsque “Bad” est sorti, il a été dit que Michael attendait ou espérait vendre plus de 100 millions d’exemplaires. Êtes-vous satisfait des ventes de « Bad » ?
W. Yetnikoff : “Ce n’est pas encore terminé. Il n’y a pas encore de décompte final”.
Vous espérez en vendre encore combien ?
W. Yetnikoff : “Beaucoup. En ce moment, je pense que nous sommes environ à 14 millions ou 15 millions d’exemplaires écoulés dans le monde, quelque chose comme ça. Nous ne vendrons pas moins de 20 millions. Je voudrais égaler ou dépasser “Thriller”. La façon d’aborder les choses de Michael, si vous le connaissez un peu, c’est “Que la magie commence, le meilleur reste à venir.” C’est sa philosophie.
Mais nous n’envisageons pas moins de 20 millions. Cela je le garantis. Je ne peux pas vous dire combien de plus. (…) . Est-ce que j’aimerais qu’il se vende à 42 millions d’exemplaires comme « Thriller » ? Oui.
Alors suis-je pleinement satisfait ? Non, Michael non plus. Il veut vendre plus. Exactement comme moi. Il travaille très dur pour ça, mais son minimum est de 20 millions. Et il lira ceci et dira : « Que voulez-vous dire par 20 millions ? Et je dirai : “C’est le minimum, Michael, le minimum.” Ce ne sera pas moins que ça. J’espère que ce sera nettement mieux. (..) Est-ce que je suis heureux? Je ne suis pas mécontent. Est-ce que je suis satisfait? Je ne suis pas satisfait.”
Bruce Springsteen a fait “Born in the USA” et Michael Jackson a fait “Thriller”. Les deux sont d’excellents albums et leurs contrats d’enregistrement ont été renégociés sur la base de ces succès. Vous attendez-vous à ce qu’ils fassent des disques qui dupliquent ces hits ?
W. Yetnikoff : “Non. Je ne pense pas qu’un artiste devrait toujours faire l’album qui vend le plus d’exemplaires. (…) “BAD” est un album que Michael avait en lui et ça fonctionne d’une manière incroyable. Bien sûr, comparé à “Thriller”, vous le comparez à l’album le plus vendu de l’histoire du monde. Je pense que je ne devrais même pas répondre à la question…”
Sources : Variety / Rolling Stone (1988) / MICHAELzine